C'était hier!

Sur mon vélo, aux heures encore noires,

(La main du jour reste pour l’instant fermée…)

Dans un morceau de nuit, je me fend la poire,

En pensant à mon air de fou confirmé.

Pour les matinaux, il est toujours trop tard,

Et chaque jour se teinte de l’amertume

Du café du rêveil, couleur noir trottoir :

Demain n’est pas, qu’on voit déjà son écume…

Nos rêves d’enfants que bousculent les rires

Des clients du Paradis, les Dieux, les Saints,

Qui ne doutent pas qu'aujourd'hui sera pire,

Avec son lot de voleurs et d’assassins.

Et même limpide, un jour n’est jamais pur…,

Par les nuages que déchirent les anges,

On aperçoit le ciel et son bleu azur

Et les chansons fausses des piafs qui dérangent…

Si tu bifurques par la rue de l’amour,

Il se peut que tu y voies un chat qui pêche,

Ou le lapin d’Alice encore à la bourre…

Ou les deux, car tu sais bien qu’ils sont de mêche…

Arrête pourtant de regarder l’aiguille

Des secondes parce que la vie est courte

Et défilent les jours et les mois, ma fille,

Et même les années, couchée sous ta yourte!

Ne fais donc pas trop de plans sur la comète,

Contente-toi de savourer le nectar

De chaque instant tel le clochard ou l’esthète…

Surtout, méfie-toi des leçons des vantards!

Voilà! Il me semble que je t’ai tout dit

Sur ce qui est fait et ce qui reste à faire

De la vie que trop d'égoïsme affadit...

Donne donc du temps au temps pour t’en défaire!

Dans un recoin de mon cerveau, bien caché,

Sur une étagère, sous de la poussière,

Tu peux trouver un vieux grimoire broché

Où est inscrit ce titre : “C’était hier!”

Dans ce bouquin, on peut apprendre ceci :

Ce qui est fait n’est plus à faire et qui sait

Ce que demain nous réserve… c’est ainsi!

Demain est la face obscure du passé…

Alors donne la chance à chaque matin

D’être aussi l’amorce du plus heureux jour;

Car les soucis ne sont que menu fretin

A qui sait donner un peu de son amour.