Caché sous un tas de vieilles revues,
J’ai débusqué un étui d’allumettes…
J’en ai craqué une à la boulevue,
Et dans sa lueur, j’ai revu mamette… :
“Alorrs Brruno”, me dit-elle au dépourvu,
“Suis-moi, et viens cueillir quelques reinettes!”
J’étais abasourdi, estomaqué;
Je me pinçai, mais c’était bien… Mamie!
“N’ai pas peur, je ne vais pas te niaquer…
Je veux juste te parler, c’est promis.” “!”
“Tu te souviens quand jeunot, tu te moquais?...” ”!”
“Je ne veux pa troubler ta douce eurythmie…”
Mais sache Bruno que tu m’as peinée.”
Je n’en revenais pas… Quelle vision!
“Alorrs Brruno, tu vois, c’est ta journée…
Excuse-toi, fais-moi bonne impression.”
“Pardon mamie”… “Voilà, c’est pardonné!”
Comme mamie tardait à s’en aller,
Je lui promis que je l’aimais aussi,
Et qu’en pauvre agnelet, je m’en voulais…
Elle disparut sans dire merci,
En me laissant si seul que j’en chialai.
Ceux qui croient qu’avec l’âge on s’endurcit,
Feront bien de méditer la vision
De ma grand-mère et de ces quelques pleurs…
Cette apparition et cette émotion
Pour dire : pas de confort sans douleur,
Car il faut pour chacun quelque attention
Si l’on souhaite se soustraire au malheur.